Perú, la face cachée

En se rendant sur la Sierra centrale et traversant ses hauts plateaux à plus de 4000m d'altitude, nous avons eu l'étrange sensation d'aller chercher le bout du monde.
Cette face cachée du Pérou, exempte de tourisme, riche en grands espaces de nature sauvage à perte de vue, dégage une fascinante authenticité et nous donne le sentiment d'être des explorateurs plus que des voyageurs..

Dimanche c'est jour de corrida, les habitants des villages se réunissent pour voir les toréadors s'amuser avec ces taureaux assez excités par l'agitation des capes rouges, des cris de la foule et des bandas. Et même si l'arène est pleine à craquer, ce n'est pas grave la colline voisine accueille les moins chanceux comme nous pour surplomber l'ensemble. Service sur place les enfants montent et dévalent les pentes, des plateaux remplis de vivres ou de boissons.
Mais ici se mêler à la foule est plus étrange qu'ailleurs, on a souvent droit à des regards écarquillés, surtout ceux de ces jeunes garçons médusés qui se tordent le cou de voir déambuler un si grand monsieur, ces femmes aux messes basses rieuses qui attirent réciproquement l'attention et lorsqu'un homme lâche un très subtil "gringo"au hasard d'une rue, ce sont des dizaines de regards qui nous scrutent en bêtes de foire..

La route ne finit pas de monter dans ces purs paysages, bordée de troupeaux de lamas et alpagas bien touffus batifolants en toute liberté, ils sont plus nombreux que les habitants. On en a jamais vu autant, avec en plus ce coté FuNkY LamA, la peruanos touch qui leur va si bien: des franges de laine flashy aux bouts des oreilles pour mieux reconnaître les troupeaux.

Cette route qui nous est si précieuse, continue de nous emmener à la découverte de ses contrées lointaines comme ici, planté au milieu de ces grand espaces de pampa à perte de vue: le sanctuaire de l'Huayllay, qui est en fait une immense forêt de pierres, oui oui une forêt de pierres qui s'étant sur plus de 12 km, endroit remarquable où d'immenses blocs de roche sont érigés naturellement vers le ciel. Et là où la nature vient encore une fois nous surprendre, c'est qu'on est à 4300 mètres d'altitude..On comprend mieux pourquoi le nom des hauts plateaux. Nous pourrons passer une nuit entourés de pierres ainsi que des centaines de lamas et alpagas, toujours.
Seul hic, l'altitude ne rend pas nos nuits faciles, on manque d'oxygène et le sommeil difficile à trouver, reste superficiel avec de longues insomnies. Ce qui nous contraint à ne pas trop s'attarder non plus en altitude. Quel dommage.

Nous longeons la Lagune de Junin longue de 30km pour arriver à San Jeronimo de Tunan et son petit marché du mercredi, assez typique avec toujours autant de pommes de terres, on passe devant l'étal de la guérisseuse, riche en potions, herbes et cadavres séchés de petits animaux pas vraiment reconnaissables.. et les énormes sacs de céréales de maïs soufflé ne valent pas que le coup d'œil..

En arrivant à Huancavelica nous sommes accueillis par la fête de celle-ci, une scène est montée sur la place principale et nous entendrons résonner la musique jusqu'à très tard dans la nuit. Le lendemain, nous avons droit aux fameux défilés communs à toute fêtes de villes ou villages et les locaux en tenues traditionnelles sont bien contents de se faire prendre en photos par des étrangers. La bonne humeur règne malgré la pluie.

C'est la neige qui nous attend sur les hauteurs d'une montagne ainsi qu'un nouveau record d'altitude pour le volks, lors d'un passage d'un col à 4850m. Les effets de l'altitude s'en font ressentir et la révision du moteur en pleine tempête doit même être effectuée, puis c'est reparti.
Les rares habitations sont assez précaires et on ressent vraiment l'isolement de ces habitants. On croirait même traverser des villages fantômes des fois. Il ne doit pas être facile de vivre à cette altitude avec ce froid. Un peu plus bas nous apercevrons nos premiers guanacos, une certaine ressemblance entre son cousin le lama et sa cousine la vigogne.
Et toujours ces km de hautes clôtures de pierres seulement empilées qui n'ont rien à envier aux constructions archéo. Fascinant!
Puis vient la longue descente pour quitter cette belle région reculée et encore préservée pour rejoindre Pisco sur la côte. La piste sera étroite par endroit et assez vertigineuse, une chance qu'elle soit peu empruntée car le croisement avec les véhicules dans l'autre sens aurait pu être vraiment difficile par endroit.

En moins de 24h nous passons de la neige au désert de sable de la côte, le changement est radical. Nous arrivons en fin d'après midi dans la réserve de Paracas et ce n'est pas sans surprise que nous rencontrons deux camping car français.
Avec plaisir nous retrouvons la Binetaventure et faisons la connaissance d'un sympathique couple de jeunes retraités Éliane et Jean Michel. Ils ont commencé leur voyage il y a quinze mois à Buenos Aires et ont joué de malchance en ce faisant malheureusement voler leur camping car au Chili alors qu'ils étaient en train de faire leurs courses. Par chance il sera retrouvé quinze jours plus tard mais totalement dépouillé et même pas mal amoché pour la carrosserie. Ils ont repris leur voyage pas découragés pour un sou et débordant d'énergie. C'est une très belle rencontre riche en anecdotes et une belle leçon de voyageur. Nous passerons une bonne soirée à échanger sur nos voyages, dans le confort des deux palaces roulants..
Le lendemain le temps restera bas toute la journée, ce sera farniente et notre première vision lointaine de flamants roses du Chili.

Nous consacrerons le dimanche à la visite de cette grande réserve riche en dunes de sables, marais salants, belles plages et falaises dans un vaste étal de couleurs. C'est en haut d'une falaise que nous aurons une première appréciation de la faune qui habite l'endroit, d'abord de trop mignons oiseaux gris noirs aux pattes et bec rouge avec une longue plume blanche en dessous des yeux bordés de jaunes. Ils sont très photogéniques. Puis enfin nos premiers lions de mer et manchots Humboldt en contre bas. Nous passons un bon moment à les observer et écouter leurs cris.

Nous décidons de partir aux Iles Bellestas à huit et pour cela nous rejoignons le village de Paracas le dimanche soir, à la recherche d'un emplacement pour nos trois véhicules. On en trouve un parfait en bord de mer. Manque de chance c'est du sable, Jean-Michel et moi même s'enlisons. Et pas que à moitié pour nous! Ah, femme au volant.... Heureusement nos amis sont bien équipés. On surélève le van, plaçons des pierres sous la roue enlisée et grâce aux grilles et plaques, le tour est joué. Au final nous passerons la nuit sur l'herbe.

Nous embarquerons pour les îles, réserve naturelle d'une riche faune. Après être passés non loin du géoglyphe du Candelabre haut de 150m pour 50m de large, il serait un repère pour les marins, nous naviguerons à travers une immense colonie de lion de mer de plusieurs centaines de têtes en pleine séance de pêche...Spectacle exceptionnel. Durant le tour, nous pouvons observer d'assez près les lions de mer, manchots Humboldt, goélands, petits oiseaux marins, martins pêcheurs... C'est vraiment sympa.
Au retour séparation des troupes: Éliane et Jean-Michel reprennent la route du nord, la Binetaventure celle du sud et nous, nous retournons dans la réserve de Paracas direction la laguna grande.

Il nous faudra une bonne heure de piste, on se croirait au Dakar avec toutes ses dunes. Nous arrivons dans un petit village de pêcheurs aux habitations précaires. Ici pas d'électricité, ni d'eau potable mais le cadre est magnifique. Les flamands roses du Chili sont là pour nous accueillir.
Sur le quai, les pêcheurs finissent de décharger les bateaux. Point stratégique de la coquille St Jacques, nous demanderons à qui on peut en acheter. On trouve un pêcheur qui veut nous vendre son lot, soit 96 coquilles fraîches pour 30 sols (11$), c'est vraiment une bonne affaire mais il y en a un peu trop pour nous.
C'est à ce moment là que nous rencontrons "Lolo" le magnifique, qui très généreusement nous donne une bonne trentaine de coquilles puis une soixantaine de coques sans rien demander. Étant un peu novice, il nous explique comment les décortiquer. Nous fixons un RDV le lendemain pour faire un tour de bateau sur la laguna avec lui.
C'est en haut d'une falaise avec une vue magnifique sur le Pacifique que nous passerons la soirée et surtout dégusterons tous ces fruits de mer si frais.
Pour ce qui est de nos coquillages, nous accommodons les St Jacques au persil, beurre, ail et oignons. Hum un régal et les coques avec un pesto maison, très bon aussi.

Comme prévu, nous retrouvons Lolo pour notre tour de barque. Nous apprenons au passage que c'est également sa maison.. Tranquillement nous voguons sur cette immense lagune salée, pour arriver sur une digue de sable. Lolo amarre la barque et les hommes apprêtent les poissons que Lolo a pêché cette nuit, en filet, pendant que je me balade sur la digue. Je constate avec désolement qu'il y a beaucoup de cadavres de lions de mer et même de tortues et dauphins!? A mon retour je questionne Lolo et il nous explique que les pêcheurs d'ici les tuent volontairement, avec du poisson empoisonné car ils sont trop nombreux (les lions de mer) et concurrencent leur pêche. C'est assez triste mais que dire à ces hommes qui vivent dans des conditions précaires et doivent travailler dur pour pas grand chose.
Lolo nous prépare une bonne soupe de poissons ainsi qu'un délicieux ceviche. On se régale. Quel chef ce Lolo. Bien rompus nous reprenons la mer et approchons les pêcheurs de coquilles St Jacques.
Nous sommes subjugués. En effet on a l'impression de revenir dans le temps. Les plongeurs plongent à un maximum de 24 brasses de profondeur, reliés par un tuyau connecté à un compresseur d'air directement à même la bouche, on se croirait dans le grand bleu! L'achat de bouteilles d'oxygène étant trop cher et la durée de celles-ci trop courte. Donc il y a deux plongeurs dans l'eau et un gars sur la barque qui leur donne du mou avec les tuyaux pour l'air et remonte les sacs de coquilles. Incroyable! Au passage Lolo demande une douzaine de coquilles (35) qu'il nous fera cadeau avec une dizaine de filets de poisson, de quoi encore se régaler.. Et dire que Lolo fait cela pour le plaisir, il dit que comme ça on lui fera une bonne publicité pour son village et que les touristes finiront par venir afin d'arrondir les fins de mois. Nous lui laissons une propina, le remercions beaucoup pour sa générosité et reprenons la route. On se trouve un autre super spot pour la nuit, cuisinons nos souvenirs de cette belle journée avec la pêche du jour. Toujours aussi bon.
Malheureusement, la carte de l'appareil photo ayant planté, "LA MAUDITE", il n'y aura pas de photos de Lolo et de cette journée.

Le lendemain nous continuons la route des grands classiques du Pérou avec un coin assez touristique: Huacachina, entouré de hautes dunes de sable. Le village est construit autour d'une belle oasis aux portes du désert.
L'attraction ici sont les tours en buggy dans les dunes et les descentes en sandboard.
En arrivant, nous retrouvons la famille Binet et passons encore une agréable soirée en leur compagnie. Greg nous confectionne une salade landaise à la mode péruvienne avec copeaux de fromages, cœurs et foies de poulets. Délicieux..


La soirée du lendemain la sortie en buggy nous fera profiter du couché de soleil sur le désert à perte de vue. Nous embarquons dans un gros buggy (8 places) et commençons la boucle à fond les manettes. Accrochés tant bien que mal nous gravissons les immenses dunes pied au plancher, décollage garanti au sommet pour atterrir dans des descentes vertigineuses. Trop malade!  Un avant goût du Dakar qui devrait passer dans ce désert l'année prochaine.
Un arrêt au milieu de cette immensité, nous faisons notre première descente en sandboard (planche de bois) sur le ventre, beaucoup d'adrénaline, les sensations sont très bonnes, mais pour la deuxième descente, le pilote a vu haut. C'est une descente très pentue de 40m. Arnaud entame la danse et prend trop de vitesse, c'est malheureusement une chute qui le stoppe à l'arrivée dans un nuage de sable. Rien de bien grave, il est un peu sonné et a mangé du sable pour l'année! Je descends un peu plus prudemment mais la vitesse est bien présente, les sensations aussi!!
Pas de photos non plus de ces péripéties  :(

On remettra ça le lendemain en louant une planche de snow board pour tester les sensations debout. La vue en haut des dunes est superbe et même si on arrive à prendre quelques beaux virages, la planche se freine assez vite et doit être fartée à la bougie, un peu contraignant surtout que la remontée se fait à la sueur de notre front..  Chaleur. .
On s'attaquera également à la dune d'en face, la plus haute qui entoure l'oasis. La vue sur cette étendue désertique de dunes est magnifique. . Toujours autant de plaisir à courir comme des petits fous dans la descente. Seul triste constat, les dunes regorgent de déchets, il faut croire qu'il est plus facile de monter un paquet de gâteaux que de redescendre l'emballage vide. Stupide!

Direction le sud, vers Nazca. La route est plutôt sympa même si toujours dans le désert de la côte. Nous faisons un arrêt au mirador où nous pouvons observer quelques lignes et deux figures, l'arbre et les deux mains ou la grenouille selon le sens. Pas de tour en avion pour nous. Du fait de quelques accidents les années précédentes, la sécurité a été augmentée et il y a beaucoup moins de compagnies qui survolent les lignes et les tarifs ont doublé.


Nous faisons un détour par le cimetière de Chauchilla où nous pouvons voir des squelettes pré-inca qui ont encore leurs cheveux, on sait mieux d'où vient la mode des dreads locks maintenant.. Et passage par le petit musée qui possède deux momies très bien conservées dont une d'un enfant. C'est le climat très sec et aride qui a permis une si bonne conservation des momies. Fort intéressant tout ça, mais après le petit déjeuner ça lève un peu le coeur.

à suivre ...

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Commentaires: 4
  • #1

    Aurélie (vendredi, 26 août 2011 14:09)

    ENORMISSIMEEEEEEEEE..... Ouhaaa... Quel article !!! J'ai eu l'impression d'y être. Vous avez vraiment de la chance d'avoir connu Lolo.. heureusement que vous aviez une bonbonne de gaz pour faire chauffer tout ça.. ;-) Dommage que vous ne puissiez pas nous en envoyer un peu de ces coquilles St Jacques en plus super bien cuisiné, ça donne envie !!!
    et toutes ces rencontres...
    En tout cas c'est toujours avec autant de plaisirs que nous vous lisons...
    Bonne continuation de votre voyage et profitez à fond!!!
    Bises

  • #2

    Axwell (lundi, 29 août 2011 14:47)

    C'est toujours un plaisir de venir sur le blog et de voir un nouvel article avec autant de belles photos et d'anecdotes!
    La suite!!! :)
    Bizounettes les manouches!

  • #3

    Lucyle (vendredi, 02 septembre 2011 13:13)

    Toujours des reportages passionnants par des passionnés et des lecteurs qui ne se lassent pas.
    Admirable l'oiseau au bec et aux pattes rouges.
    Les lions de mer et les pingoins m'ont fait remonter les souvenirs d'Ushaia et de sa faune.
    Tous les paysages sont magnifiques.Vos rencontres sont un enrichissement pour nous aussi et j'ai salivé devant vos plats très appétissants de coquillages.
    Bisous....

  • #4

    Benoit Faideau (dimanche, 04 septembre 2011 17:14)

    Adiou
    C'est vrai qu'ils sont beaux ces oiseaux aux yeux soulignés de blanc, donc un peu de culture :
    http://www.oiseaux-birds.com/fiche-sterne-inca.html
    bonne lecture !